Jennifer, maman de 3 enfants et entrepreneure, a créé le blog “J’ai décidé d’être heureuse” pour partager son envie d’aller de l’avant, d’entreprendre et aider d’autres personnes à prendre le contrôle de leur vie. Elle explique sa relation avec la douleur, en ayant traversé une des épreuves les plus difficiles qu’on puisse connaître.
Pourquoi le nom “J’ai décidé d’être heureuse” ? Il sonne comme une revanche, une envie de prendre le dessus sur la vie et les soucis…
J’ai eu l’idée du blog J’aidecidedetreheureuse.com alors que mon plus jeune enfant avait deux ans. A la sortie de l’école maternelle, une maman avec qui je discutais m’explique que j’allais pouvoir reprendre le travail. Une autre, un peu plus tard, me dit sensiblement la même chose. Ce qu’elles ne savaient pas, c’est que je ne pouvais plus travailler.
Pour moi, le simple fait d’être assise ou debout pendant un certain temps était synonyme de douleurs presque insupportables. Je pouvais à peine conduire ou rester devant un écran.
Quand j’expliquais ma situation, j’entendais la même réponse : « On n’aurait pas imaginé, tu es super souriante ». Alors j’ai eu envie d’expliquer aux autres qu’on a chacun des ressources pour dépasser la douleur, ou d’autres problèmes. Même quand ils vous empêchent, ce qui est mon cas depuis que j’ai 22 ans, de vivre au quotidien comme tout le monde. Au départ, le blog était un bon moyen d’occuper le temps. Il est devenu plus récemment un tremplin vers une vraie aventure entrepreneuriale et un nouveau métier.
Dis-nous en plus sur ton histoire… Que t’est-il arrivé ?
En 2012, deux mois après la naissance de mon aîné, mon état de santé s’est dégradé. Personne ne sait si c’est lié à l’accouchement. J’ai ressenti au fil des jours des douleurs de plus en plus fortes. Les médicaments n’arrivaient pas à les calmer. Au point que je me levais, changeais mon bébé, puis je prenais une bouteille d’eau, un téléphone à portée de main et je devais passer la journée allongée pour reprendre des forces, en espérant supporter la douleur.
La situation a évolué très vite. En quelques jours, je n’étais plus capable de marcher. J’étais épuisée au moindre effort… le simple fait de décoller le pied du sol pour marcher devenait impossible.
J’ai consulté un médecin en urgence, à 7h du matin. Mon mari étant chauffeur-livreur, il n’a pas pu m’accompagner et ce sont les pensées pour mon bébé qui m’ont donné la force de prendre le volant. Le docteur a programmé en urgence une opération à l’hôpital, et j’étais opérée à 14h l’après-midi même.
Je risquais d’être paralysée à vie. C’était comme si une hernie discale dans le bas du dos bloquait le fonctionnement de mon corps, avec une douleur permanente et intense. C’est ce qu’on appelle le syndrome de “queue de cheval”.
Qu’est-ce que ça a changé dans ta vie ?
Tout. L’opération m’a permis de remarcher. Mais je garde cette douleur régulière car les nerfs ont été touchés, comprimés trop longtemps. Aujourd’hui encore, je dois me reposer dès que je marche ou reste assise trop longtemps.
J’ai dû par exemple apprendre à vivre avec le sentiment de la vessie pleine. Imagine que tu doives te retenir d’aller aux toilettes pendant 10 à 12 heures. Et qu’aller faire pipi n’apporte aucune solution. C’est ce que je ressens aujourd’hui en permanence.
Cela va mieux aujourd’hui, mais les années après l’opération ont été très difficiles. J’ai perdu la sensation du toucher dans la jambe droite. Les douleurs étaient toujours là, dans le bas du dos. Je prenais de la morphine trois fois par jour !
Cela a tout bousculé dans ma vie, jusqu’aux aspects les plus intimes. Ce n’est pas évident d’avoir une sexualité quand la douleur t’empêche de te relâcher, de te rendre disponible pour l’autre. Surtout que j’avais envie d’avoir d’autres enfants. Je n’en avais qu’un, on m’a dit que j’aurais peu de chances d’en avoir d’autres. Or j’en voulais trois !
Cela m’a pris des mois de réflexion avant de tenter de faire un deuxième enfant. Il m’aura fallu un an pour débloquer mon mental. Mon corps était endolori, mes nerfs l’empêchaient de fonctionner et je ne savais même pas si mon vagin allait être paralysé. Et puis, au moment même où je renonçais, j’ai lâché prise… et c’est alors que je suis tombée enceinte.
Comment s’est passée cette deuxième grossesse ?
Le premier trimestre a été difficile… Je ne pouvais pas prendre d’anti-douleurs puisque j’étais enceinte, mais il était encore trop tôt pour annoncer une future naissance à mes proches.
Alors je me suis retrouvée dans des situations compliquées. Par exemple : bloquée assise dans ma voiture à ne plus pouvoir bouger sans que les gens comprennent la situation. On me reprochait de ne pas prendre d’anti-douleurs, mais je ne pouvais plus les prendre en raison du bébé.
C’est d’ailleurs le plus difficile à accepter : la douleur est gérable mais les maux qui ne se voient pas sont difficiles à comprendre pour les autres. On m’a fait des réflexions qui m’ont blessée, en me disant que ça devrait aller mieux, que je ne devrais plus me plaindre ou souffrir puisque je m’étais fait opérée, etc.
Ton blog est une façon d’encourager les autres à surmonter les moments les plus difficiles ?
J’ai vécu mon épreuve comme une force. J’ai envie de secouer les gens. Vous êtes acteur de votre vie ! On n’est pas responsable de sa maladie. Par contre, on a le pouvoir sur plein de choses. Ne vous placez pas en victime, et agissez, cherchez à comprendre ce qui peut faire votre bonheur ou changer votre vie. Sans pouvoir conduire, ni rester assise ou debout, on me faisait comprendre que je n’allais pas pouvoir travailler.
Le blog m’a fait découvrir la rédaction, puis le métier de rédactrice. Aujourd’hui, je suis freelance et j’ai récemment signé une mission d’accompagnement éditorial pour un site média local. Rien n’est figé ! D’ailleurs, je réfléchis encore à des modifications dans ma propre ligne éditoriale. Certaines choses me plaisent, d’autres me correspondent moins.
Qu’est-ce qui t’agace, par exemple ?
Ma communication sur Instagram est encore trop centrée sur moi. Je sais que les gens apprécient de suivre d’autres personnes, trouver en l’autre des exemples qui inspirent… Mais j’aimerais que chaque femme et chaque homme prennent conscience qu’ils ont en eux la force nécessaire pour faire les choses qu’ils admirent chez les autres.
Personnellement, je n’aime pas quand on me dit « Tu es courageuse ». Je ne suis pas la seule : nous avons tous cette force en nous ! Arrêtez d’admirer d’autres personnes qui ont fait les choses qui vous fascinent, prenez-vous en main. Osez faire vous-même à votre tour.
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