Sandrine Bertrand, la consultante SEO qui n’a pas sa langue dans sa poche

par | 15 août 2020 | 0 commentaires

Motarde à fort tempérament, Sandrine Bertrand est une consultante senior spécialisée de longue date dans le SEO (référencement web). Sa force : maîtriser les techniques qui permettent de positionner sur Google un site internet sur les bons mots-clés. Son blog pro lui a permis de bâtir une réputation, trouver des clients et expérimenter les techniques de positionnement les plus extrêmes. Quitte à expérimenter la sortie de route : quand on le chatouille, Google pénalise les stratégies trop agressives. Féministe dans l’âme, elle nous partage sa vision de deux mondes, la moto et internet, où les relations homme/femme ne sont pas toujours faciles.

Tu fais partie des femmes qui ont vu naître le métier du référencement depuis le début des années 2000. Qu’est ce qui t’a amené à travailler dans le numérique ?

Je n’étais pas prédestinée à faire du web… il n’existait pas quand je faisais mes études ! Tout a démarré quand j’étais assistante polyvalente dans une société spécialisée en vente et maintenance de matériels pneumatiques. Tu sais, des machines qui tournent à l’air comprimé : meuleuse, sécheur d’air, compresseur, je connais tout ça. On travaillait à Toulouse avec Airbus, des sous-traitants de l’aéronautique mais aussi dans l’alimentaire, le médical… Je m’occupais de tout : administratif, comptabilité et on a été amené à utiliser le web. Ce qui m’a vite intéressée, ça a été de faire un site web après qu’une entreprise nous propose d’en faire un. Alors j’ai quitté la société pour rejoindre une agence web qui était censée me former au dev. Et là, rien à voir : je me suis retrouvée à faire du copier-coller ! Heureusement, à un moment, on m’a confié un nouveau dossier qui n’était pas très couru à l’époque : le ‘référencement’. J’ai pris ce dossier et je ne l’ai jamais reposé depuis.

Pourquoi as-tu accroché sur ce métier ?

J’adore m’amuser. J’arrive toujours à trouver des âneries même dans un audit sémantique, quand on analyse les contenus et les mots-clés qui amènent, ou pourraient amener, du trafic. Ce qui fait que je ne me lasse jamais. Certaines requêtes me font beaucoup marrer.

C’est quoi une découverte amusante, par exemple ?

A une époque, je m’occupais d’un site lié aux pompes funèbres. Des visiteurs du site venaient sur nos pages parce qu’ils tapaient sur Google “pierre tombale en kit”. C’était fou d’imaginer qu’on veuille acheter sur internet une pierre tombale pour la faire livrer et la monter comme un meuble Ikea, histoire de faire des économies. Il fallait pourtant qu’un certain nombre de personnes cherchent ça pour que ça ressorte dans les rapports.

En réalité, c’était un cadeau pour Halloween (rire). Tu trouves aussi des requêtes étonnantes liées au secteur adulte.

Comment ça ?

J’ai travaillé sur les pantoufles, plus précisément la charentaise. Tu ne t’attends pas à capter du trafic venant de Google sur des requêtes typiques des sites pour adultes (ndr, appel à témoin : si vous fantasmez régulièrement sur votre partenaire en charentaises, merci de nous expliquer comment c’est possible, svp).

C’est un métier plein de surprises alors ?

Je n’arrive pas encore à m’ennuyer. Tout le monde n’a pas encore compris les bases du référencement alors que les techniques avancent avec celles du web et de Google. Alors on a toujours des choses nouvelles à dire dans les audits.

Il faut se former, se mettre à jour en permanence, de ton côté ?

C’est surtout qu’il faut mettre les choses correctement en place, et vérifier en continu. Beaucoup d’entrepreneurs ne savent pas afficher un code source. Ils travaillent sur le back-office de leur site web, activent des plugins pour améliorer une fiche produit ou un article de blog sur leur site e-commerce mais le résultat final sur le site ne conviendra pas toujours aux yeux de Google.

Parlons de ton blog. En quoi t’a-t-il aidé dans ton parcours, ta carrière ?

Aujourd’hui, je suis active plutôt sur Twitter. Mon site (https://gain-de-temps.com) m’a servi à prendre mes galons d’expert. Parce que se faire connaitre avec un tweet, c’est pas évident. Pouvoir publier un article sur son sujet, c’est mieux. Ce qui m’a fait connaître dans mon secteur, c’est la pédagogie dans mes articles et ma façon de dire les choses franchement. Je ne garde pas la langue dans ma poche !

Mais aujourd’hui, ton blog est inactif, non ? Pourquoi ?

J’ai fini par me décourager car un jour j’ai fait la bidouille de trop. J’ai changé d’hébergeur du jour au lendemain en perdant toutes mes archives.. ça a été douloureux. Et quand tu es toute seule, ce n’est pas super fun à gérer. Mon blog, c’était aussi une plateforme de test perso sur les techniques de référencement. Je lui ai fait pas mal de misères et il a été pénalisé par les algorithmes de Google. J’ai tout fait en mode extrême : tester des contenus qui sont de la bouillie pour les moteurs, faire pointer des de milliers de liens vers mon site… c’était mon labo, ce site web.

Il t’a rapporté de l’argent ?

Indirectement, sans doute oui. Il m’a permis de me faire repérer par des clients, qui m’ont dit ‘je vous ai lu sur votre blog’. Mais je ne suis pas en mesure de chiffrer ça.

Et les réseaux sociaux ?

Twitter est mon réseau préféré. C’est le plus facile d’accès et le moins chronophage. Tu peux juste liker et twitter facilement. Linkedin devient insupportable.

En quoi Linkedin t’énerve ?

On y trouve trop de posts en copier-coller. Des gens y multiplient des anecdotes insipides qui n’apportent rien. Les fausses interactions à la “si tu veux le doc, commente pour avoir le lien”, ça me gonfle ! Quand un truc m’intéresse, je veux le lire maintenant !

C’est vrai que c’est gonflant à la longue, et en même temps, ces techniques de visibilité marchent très bien. Comment vois-tu les autres réseaux ?

J’ai segmenté.

Facebook : j’y ai beaucoup de copains motards.
Instagram : c’est pour le perso, je suis sur les chevaux, les cochons d’inde, les recettes.
Linkedin : je mets mon profil à jour, mais ça reste en mode pro.
Twitter : c’est en mode pro.
TikTok : j’ai été regardé, mais l’algorithme commence à me saoûler, à me proposer toujours les mêmes choses, ça tourne en rond.

As-tu déjà pensé à mettre tes compétences à ton propre service, comme lancer ton site e-commerce autour d’une passion, comme la moto ou autre chose ?

L’idée m’aurait plus mais je n’y arrive pas à me poser, il me faudrait du temps pour moi ! Entre le travail, les ados dont ma fille que j’amène aux compétitions le week-end, les cours que je donne en lycée… Quand tu te lèves à 5 heures du matin un samedi, tu as du mal à trouver le temps le soir pour avancer sur du projet purement perso.

Et si un coup de main collectif t’aider à lancer ton propre site e-commerce en quelques minutes, quelles thématiques t’auraient plu ?

Des sujets passion comme le cheval ou la moto pour les femmes. Pendant longtemps, quand tu voulais un blouson de femme, le modèle proposé était blanc ou rose avec des petites fleurs dessus. Donc pas forcément le cuir rêvé avec des coupes adaptées. Acheter ton pantalon de moto quand tu fais 1m55, c’est un sketch, tu finis par te retrouver avec des ourlets de 30 cm !

Il reste aussi des choses à faire dans ce secteur pour une relation plus simple entre hommes et femmes. Sauf que je deviens de plus en critique par rapport à la démarche féministe. Le féminisme a toujours été important dans ma vie mais aujourd’hui, je ne m’y reconnais plus. On va vers une scission au lieu de chercher la complémentarité entre hommes et femmes. Quand une nana se fait traiter sur Twitter de “collabo” parce qu’elle a défendu la position des mecs à un moment, ça va trop loin !

Quels conseils donnerais-tu à un(e) jeune de 20 ans qui veut se lancer sur le web ?

Qu’il réfléchisse à ce qu’il fait ! Vouloir faire du buzz pour le buzz n’a pas de sens. Tout laisse une trace. Je suis contente de ne pas avoir vécu avec les réseaux sociaux quand j’avais 20 ans. Toutes les bêtises que j’ai pu faire n’ont pas pu laisser de traces. Au contraire aujourd’hui, en moto par exemple, tout le monde se filme avec sa GoPro. Certains ne réfléchissent pas, dépassent les limites et finissent par se faire choper par les gendarmes.. Et puis, le rapport des jeunes hommes et des jeunes femmes avec leur image est exacerbé : ils se mettent la pression pour être beau ou parfait. On leur a mis dans les mains des outils numériques sans éducation préalable, avec un miroir aux alouettes. Surtout si on dit qu’il y a de l’argent à y gagner.

Il ne faut pas céder à cette pression collective liée à l’instantané et à la quête de visibilité pour briller aux yeux des autres. Mieux vaut se demander si ce que tu vas poster ne va pas te porter préjudice d’ici six mois. Je ne dis pas que c’était mieux avant. Mais on faisait moins n’importe quoi. Et quand on le faisait, on ne l’exposait pas. Il y a trop d’exhibitionnisme à mon goût. Trop de gens commencent à vivre par procuration à travers l’écran de leur téléphone.

Pourtant, ça permet de tisser des liens. As-tu découvert des amis grâce aux réseaux sociaux ?

Sur le plan perso, j’ai découvert plein d’amis grâce au net. Aujourd’hui, 80% des gens avec qui j’échange sont des personnes rencontrées via le web, Facebook… Même pour les gens proches de chez moi. Tous mes copains de moto, je les ai rencontrés par internet.

Pour une professionnelle, pour se faire connaitre, quel est le mieux selon toi ? Créer un article de blog ou peaufiner une story de 15 secondes sur Facebook, Instagram & Co ?

Ça dépend du contenu. Parfois, on veut du sens, de l’information qui permette vraiment d’avancer. Regarder une recette de cuisine présentée en “snack content” dans un format de story vidéo à la Brut, désolée mais c’est pénible, ça te permet pas de faire la recette ! Tu vas vite chercher une vraie page web comme Marmiton.org pour voir les ingrédients, le temps de cuisson, le détail des étapes… Donc chaque contenu convient à un réseau et à une approche. Il faut prendre le temps de définir ses personas, les personnes qu’on veut toucher… et trouver la bonne façon de les toucher.

Finalement, qu’est ce qui te satisfait le plus quand on parle du digital ?

Avec le recul, je suis heureuse d’avoir mis mon grain de sel autour du numérique. J’ai découvert ça au bon moment. Le métier de référenceur n’était guère connu quand j’ai démarré, et je suis contente d’avoir vécu l’essor d’un métier.

Si tu devais nous recommander des personnes à suivre, ce serait qui ?

Dans mon secteur, j’ai en tête Audrey Schoonwater et bien sûr Madeline, dont le compte Twitter est RazBithume. Elle est très calée sur le plan technique.
En ce moment, je suis fan d’une minette sur TikTok qui s’appelle izzyDizzySpells. C’est une anglaise qui a un côté Charlie Chaplin, avec beaucoup de créativité, très fun ! Les participations autour d’elle sont souvent très drôles.

Un dernier message à faire passer ?

Les femmes doivent arrêter de se poser des questions. J’observe pas mal de débats autour du féminisme : ils font perdre du temps. il faut passer à l’action, on y va, quoi ! Sans se poser de questions sur le fait qu’on soit un homme, une femme, un chat, on s’en fiche. Choisis ta voie, fais du contenu de qualité qui te plait. La meilleure chose à faire, c’est avancer et ne pas s’engluer dans ces combats.

Quelques mots sur Didier Castelnau
Didier est un ancien journaliste et éditeur web. Il est "serial-entrepreneur" et accompagne des porteurs de projet et des entrepreneurs dans leur visibilité sur internet.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Tu veux participer à BlogueusePro.com ? Suggérer quelqu'un à interviewer ?

Prends contact avec nous, on te répondra !